"Niämine, tout simplement" par Vesa Rantanen, IS SM-LIIGA Magazine, Ilta-Sanomat corporation
Oct. 2004
Traduction : Bertrand Callens


Ville Nieminen, 27 ans, sait se servir de sa tête. 
Garé dans la cour d’un appartement de Tampere, un gros 4x4 Hummer tout en angles et quasiment de la taille du bâtiment attire l’attention ; une longue rayure a été faite sur le coté du véhicule.

“Ca doit encore être un type frustré qui n’a pas réussi à choper une minette au bar qui m’a fait ça”, soupire Nieminen en grimpant dans son imposant véhicule.

“La rayure a été faite dès le premier jour. Merde !“

On retrouve chez Nieminen ce même caractère anguleux et imposant. Il n’a d’ailleurs pas non plus été épargné par les éraflures, aussi bien physiquement que moralement.

“L’obstination est un trait de caractère dominant chez Ville. N’abandonne jamais, et je dirais même, crois toujours que tu as raison“, déclare sa petite amie Kaisa Nurmi.

Il y a sept ans, Nieminen quittait une vie remplie de lamentations, laissant Tampere pour l’Amérique du Nord, alors que si le lock-out de la NHL débutait, il retournerait en SM-Liiga à Tappara.

Le départ de Nieminen était d’autant plus surprenant qu’il n’était pas du tout approuvé. Le scandale venait de ces sponsors, cette équipe de NHL un peu folle qui était prête à miser quelque chose sur l’ignorance de Nieminen, ignorance qui, selon les experts, n’a jamais été ce qui fait un grand joueur.

“Lorsque vous roulez dans une Ford Escort rouillée dont le réservoir est vide, c’est vraiment dur de dire non quand quelqu’un vous offre $300.000“, dit Nieminen durant l’été 1997, alors que son étonnant contrat avec le Colorado Avalanche était rendu public.

2.7 millions de Marks Finlandais, dans le pire des cas. Un contrat plutôt intéressant pour quelqu’un qui n’a joué que 1 minute et 34 secondes avec l’équipe nationale de Finlande.

Alors, quand la “grande gueule“ de Tampere s’est retrouvé coincée pendant trois ans et demi dans l’équipe ferme de Hershey, certains mauvais esprits en ont rajouté une couche. 

“J’aurai pu rentrer en Finlande“

J’aurai pu, mais je ne l’ai pas fait“, dit Nieminen, après sa troisième saison en équipe ferme.

Il est revenu, mais avec la Coupe Stanley, durant l’été 2001. Et aujourd’hui, il revient encore, joueur clé de Calgary, petite équipe canadienne qui revient d’une série finale de play-offs sensationnelle le printemps dernier.

Ville, Niämine, tout simplement.

Beaucoup de choses ont changé, mais en même temps très peu de choses ont changé durant ces sept années. Le même Nieminen - ou Ville, Niämine, tout simplement - conduit une voiture, mais son aura sur les personnes autour de lui a grandi. Peut-être un peu grâce à sa voiture, aussi.

Pour Nieminen, tous ces mots qu’il a prononcé sont durs à porter, alors qu’à plusieurs reprises les experts et le public finlandais, très critiques, estimaient ses qualités de hockeyeur un peu légères, et que de nombreux autres Finlandais stars de la NHL faisaient leurs valises et retournaient en Amérique du Nord, fuyant les impôts ou les primes d’assurance trop élevées, dans l’attente d’un redémarrage rapide de la NHL.

“Je veux jouer“

On pourra toujours reprocher à Nieminen ses grands discours ou son style de jeu peu orthodoxe, mais en tous cas, on ne pourra jamais lui reprocher de baisser les bras.

Et on ne peut pas non plus lui reprocher de ne pas aimer le hockey. Plusieurs étés auparavant, il a glissé, dans son sauna, chez lui, et il est passé à travers une porte vitrée. Il a fallu plus de 50 points de suture pour soigner la blessure. Effrayé, Nieminen a appelé Kaisa à l’aide. Son amie s’attendait au pire.

“Ville était assis dans une mare de sang et il regardait son poignet, dans lequel étaient incrustés des morceaux de verre de plusieurs centimètres, puis il s’est évanoui. Plus tard, Ville dit qu’en regardant son poignet, il avait pensé “que je ne pourrais plus jamais jouer au hockey“, se souvient Kaisa.

“Que serais-je sans le hockey ?“ se demande Nieminen.

La réponse pourrait être : une enfance déchirée sur les traces de son père alcoolique, et un avenir sombre dans une cuisine industrielle, dont il a reçu le diplôme à l’école d’enseignement professionnel de Tampere.

Kipru (le gardien de but Miikka Kiprusoff) dit toujours que Ville peut faire la cuisine, mais uniquement pour 300 personnes.

Le Hummer se dirige vers le golf de Vammala Lakeside, où joue l’ami de Ville et ex-hockeyeur de Tampere, Kari Lahtinen, à l’occasion d’un tournoi de golf.

Le téléphone sonne sans cesse. La fédération de hockey finlandaise appelle. C’est le matin du départ pour les USA, il faut donner ses empreintes digitales pour son visa pour la Coupe du Monde.

“Oui“, Nieminen se penche vers le téléphone.

“Oui, oui. Ou bien peut-être 13h30. Ok, c’est bon“. Ca n’a pas arrêté de toute la journée, il dit au revoir et remet le téléphone sur l’immense console centrale, sur laquelle toute une famille chinoise pourrait s’étaler.

Ensuite, le coach Raimo Summanen appelle ; il dirige le camp d’entraînement pour la Coupe du Monde.

“Ouais. Je suis en grande forme. J’ai pris quelques jours de congé, quand tout était bondé, je sentais aussi que mon patinage était un peu raide“, dit Nieminen, puis il raccroche.

Ensuite il commence à analyser les entraînements en Finlande, avec Tappara. Et le hockey finlandais en général, dans lequel il n’y a plus de vraies stars.

“Le problème du hockey finlandais.. eh bien, on veut gagner, mais plus important encore que de vouloir gagner, il faut être prêt à faire ce qu’il faut pour obtenir la victoire.“

Etre prêt à faire ce qu’il faut ? Maintenant le spécialiste parle. Nieminen, mieux que quiconque, a construit sa carrière en se basant sur des modèles.

“Es-tu prêt à laisser ton ego sur le parking lorsque tu entres dans la patinoire ?“, demande Nieminen.

“Jouer procure peu de sensations, mais c’est le défaut du système. Lorsqu’on s’entraîne 14 fois par semaine, on ne prend plus de plaisir à souffler de l’air chaud pour arrondir les palettes des crosses.“

Sans transition, Nieminen quitte son rôle de garçon en souffrance. Il ne veut pas que son histoire déchire en pièce le film hollywoodien.

“Happy people have no story “, il rigole, un grand sourire sur son visage.

Il est encore question de hockey pour les 50 ans de Marja-Liisa Nieminen, à l’entrepôt Irjala, le 20.2.1999. Un grand discours est fait aux enfants :

“Il y a plusieurs années est né un petit garçon, et aujourd’hui encore, autour de nous, il y a des gens, qui avaient dit à papa Eetu quelques minutes après la naissance: “numéro deux, ailier droit, deux minutes de pénalité pour dureté“.

Une grande sœur

Mari était née quatre années auparavant dans la famille, famille dans laquelle n’existaient que deux choses: le hockey, et les problèmes d’Eetu avec l’alcool.

“Eetu était une personne sensible et fragile, pour laquelle la famille représentait tout“, dit Liisa.

La vie n’a pas été facile, elle a éduqué Ville.

Pour Ville Nieminen, cela ne sert à rien de ravaler son amertume. Il se sent redevable.

“Il ne méritait peut-être pas une médaille, mais pour moi, il a été un super père“, dit-il.

L’ex-hockeyeur de SM-Liiga Esa “Eetu“ Nieminen mourut à l’âge de 53 ans, chutant dans sa boutique de maroquinerie, ivre, la tête la première dans ses machines. Ville apprit la nouvelle le matin même à Hershey. Il prit l’avion pour les funérailles le vendredi et prépara le cercueil pour le dernier déplacement de Eetu, avec une photo de lui et de son père prise à Pittsburgh durant l’été 1997.

Lorsque la route de Ville vers le hockey professionnel a commencé, à la Saint-Jean 1997, l’horloge d’Eetu entamait son dernier tour.

L’automne suivant, Eetu avait pris l’avion pour Hershey et il avait vu Ville jouer son premier match professionnel en Amérique du Nord. L’alcool avait déjà commencé à lui ruiner la santé.

“Juste après cela, Eetu a commencé à jeter l’éponge. Il avait vu que tout allait bien pour Ville, le travail de sa vie était achevé“ se souvient Liisa.

Eetu commença à préparer son départ. Il remit le chalet en bois en état, il construisit dix abris à oiseaux et prépara des réserves de bois pour le sauna. Tout était en place quand l’homme travailleur quitta le monde, alors qu’il s’endormait accidentellement en Avril 1998, 20 mois avant que Ville ne fasse ses débuts en NHL.

“Merci à mon meilleur coach pour tous ces moments de jeu partagés“, avait écrit Ville sur le livre funéraire, le 20.4.1998.

“Un mystère. C’est vrai, les pères sont toujours un mystère. Je regrette de ne pas l’avoir connu mieux. On ne connaît jamais assez bien son père”, dit Nieminen

Je l’appellerai quasiment tous les jours pour lui demander quelque chose.

Le hockey dans le sang

Le petit Ville n’avait pas besoin de demander. Eetu avait emmené son fil partout. En déplacement, ensemble à la patinoire, au marché, pour vendre des articles en cuir faits de ses mains agiles.

“J’utilise toujours un sac de hockey que mon père m’a fait“, dit Ville.

Avec son père à ses côtés, Ville a construit une relation durable avec le hockey. Non seulement le hockey est devenu une partie de Ville, mais aussi Ville est devenu une partie du hockey.

En plus de son travail d’artisan, Eetu aida Ville à devenir un joueur. Tantôt dur, tantôt enthousiaste, mais à chaque fois en se basant sur l’amour de son fils et du jeu.

“Dès le début, Eetu essaya de faire de Ville un joueur individualiste. Par exemple il lui interdisait de distribuer des palets, de donner des assistances“, se souvient le responsable du matériel vétéran Jarmo Männistö.

Une autre leçon était que même s’il ne marquait pas de buts, il devait jouer de telle façon que son nom resterait dans les esprits. Nieminen ne devint pas un joueur individualiste, mais bien un joueur haut en couleurs et sans merci. Un joueur bigarré qui ne devait jamais perdre le goût du hockey.

“On m’a parfois un peu secoué, mais jamais trop. L’enthousiasme n’est jamais parti, parce que je n’ai pas d’autre alternative que de prendre du plaisir. Stimuler, crier, embêter le monde, tout cela me convient. Tout dans le hockey me convient. “

“Je ne suis pas prêt de changer un jour.“

Nieminen devint pressé d’en découdre avec le hockey. Déjà quand il était junior, il avait le hockey dans le sang. Bavard avec le coach des juniors, le joueur têtu et omniscient était terrible.

“Parfois on a essayé de dire que Ville avait besoin de plus de discipline. Je répondais qu’il y avait des personnes pour cela, moi je m’occupais simplement de la maison“, dit sa mère Liisa.

Ville a besoin d’autorité, une autorité qu’il respecterait.

Nieminen reconnaît que cela aurait été plus facile s’il s’était fait tout petit, au fond de la classe.

“Je n’ai certainement pas toujours été une personne facile à vivre. J’avais un avis sur tout.“

“On peut certainement nous reprocher cela “, remarque ironiquement l’ex-coach de Tappara, Rauno Korpi

Depuis qu’il était jeune jusqu’à l’age adulte, Ville a absorbé tout ce qu’il avait autour de lui.

Trois années, mais pas pour rien.

Harrisburg, Samedi 30.8.1997:

Premier problème: la langue. Hotel sold-out. Plusieurs coups de fils à passer. Parler au téléphone dans une langue étrangère est bien difficile, il y a plein de pièces de monnaie, plein de chiffres à composer, l’opérateur demande des choses impossibles à réaliser. C’était terrible d’aller dans la chambre d’hôtel, dans l’aile Est du bâtiment, au cinquième et dernier étage. Enfin prêt à dormir.

Ainsi, Nieminen, qui ne parlait pas un mot d’anglais, atterrit à son premier camp d’entraînement en Amérique du Nord. Le coach de Tappara, Rauno Korpi, s’est querellé violemment avec Nieminen, lorsque le jeune l’a informé de son départ.

“En tant que joueur, Ville était encore immature. J’aurai bien aimé le garder à Tappara. Mais tout comme l’homme sur les publicités Camel, Ville était têtu“, se souvient Korpi.

“Pas mal de gens pensaient que ce n’était pas juste que Nieminen parte ainsi pour un gros paquet de dollars, en ayant montré si peu de choses sur la glace.“

A Hershey, une école sévère l’attendait. La place de directeur était tenue par l’autoritaire Bob Hartley.

“Tout était si différent. Ville a reçu pas mal de saloperies. C’était un nouveau joueur, européen en plus de ça, et il y avait le problème de la langue. Ville se promenait partout avec un dictionnaire sous le bras“, se souvient Kaisa, partie avec Ville alors qu’elle avait seulement 17 ans.

Trois saisons ont passé dans le club ferme de la ville de 18.000 habitants. Nieminen a été beaucoup critiqué à Tampere. La “grande gueule“ était coincée là, à gagner des millions. Seule la Coupe Stanley de 2001 a réussi à calmer les critiques. Mais comment Nieminen a-t-il trouvé la force ? Plus de trois années dans ce trou à rat.

1.9.97 :

Tous les restaurants sont encore fermés. Je viens de prendre un sandwich à Subway, et comme d’habitude, je n’ai toujours pas compris qu’elle sauce ils ont mis dedans. Yes, Yes. La réunion commence à 9h00, je reçois de l’argent pour la nourriture et on me met un chèque dans la main. Je n’ai pas osé le regarder lorsque j’étais dans la pièce. $105.000, ça fait 575.000 Marks Finlandais. Ca fait beaucoup, j’en ai la tête qui tourne.

“Je ne suis pas allé là-bas pour jouer tout de suite en NHL“, se souvient Nieminen avec une pointe d’agressivité.

“Partir ne pouvait être qu’une évidence. Oui, je vais apprendre là-bas. C’est de là que m’est venu le hockey.“

Nieminen a courbé l’échine et fait son travail. Il n’est pas rentré à Tampere lorsque Hartley l’a traité de communiste. Il n’a pas cédé quand Hartley a voulu renvoyer sa petite amie mineure chez elle, prétextant que Ville pourrait déménager chez l’habitant et apprendre l’anglais. Il apprit l’anglais différemment.

On est loin du petit déjeuner de chez maman, avec trois litres de chocolat chaud sur la table, des lunettes rondes sur le nez et un beignet aux pommes qui t’attend. Après ça, tu ne peux pas avoir de grandes attentes.

“Ce n’était pas invivable à Hershey. Tout dépend comment tu prends les choses, merde. Je ne peux rien demander, comme ça, gratuitement, apporté sur un plateau. Est-ce que j’aurai mérité de jouer en NHL avant ces trois années ? Non“, dit Nieminen, en s‘énervant.

Nieminen était favorable au fait d’être envoyé dans cette équipe ferme de NHL dans ce coin perdu. Plus de 1300 heures passées dans le bus lui ont enseigné que c’était une chose importante.

“J’ai appris à respecter la NHL. Sans ce temps passé là-bas, je serai passé à côté de beaucoup de choses. Est-ce que sans cela je n’aurais pas eu les chevilles qui enflent ? Là, personne ne m’a fait gonfler les chevilles. Soit c’est comme ça, soit ça ne l’est pas.“ 

6.9.1997

Le mal du pays est devenu presque insupportable. J’ai été bloqué là-bas pendant trois ans. Ca a été mieux quand j’ai appris que ma copine venait ici le 26 du mois. Comme je ne parle pas un mot d’anglais, c’est sacrément dur. Mais les rêves et (peut-être) la réussite aident toujours. Malgré mon mal du pays, sur la glace, je me sens comme à la maison.

“Première semaine de leçons : je ne sais pas où je joue ni où j’habite, aujourd’hui en équipe ferme, demain dans le Colorado ou en déplacement. Je dois me promener avec mon dictionnaire quasiment partout où je vais. C’était vraiment dur. Je n’avais jamais le temps de souffler.“

Un enfant star

Dans tous les albums gardés affectueusement par sa mère Liisa – il y en a 10, et d’autres encore attendent, il reste à découper et coller tout ce qui se trouve dans cette boîte, sur la dernière saison, à Calgary -, se trouve un petit garçon, qui a une mâchoire carrée et des lunettes rondes.

Et il a un sac de hockey, une crosse à la main, et il tient une médaille. Et il sourit. Toujours

Toute première équipe, les G-Buffalo de Tappara. Tout premier match, tout premier maillot, tous premiers numéros. Deuxième saison, et déjà capitaine. Les années et les matchs passent, dans un ordre précis. Tappara contre les Faucons de Järvenpää, 17-0. Ville, 7 ans, a marqué 7 buts.

“Ville était une sorte d’enfant star. Son père lui avait appris toutes les astuces un ou deux ans avant les autres, assis sur le sofa du 3-pièces“, dit Liisa.

Nieminen commença à jouer à l’age de 4 ou 5 ans, immédiatement avec des joueurs plus âgés.

On peut voir sur un vieux film Super8, comment il est tombé six fois en 30 secondes, durant les changements de lignes. Les arbitres le remettaient sur ses pieds, sur et hors glace. Pas besoin d’avoir du temps de supériorité numérique pour poser des questions.

Patinoire Hervanna. Le match de Junior C est fini. Tappara contre Kiekko-Reipas, 6-0. Plein de courage, Ville va chercher la récompense pour le meilleur joueur, un sachet de chips. Durant la cérémonie finale, sur la ligne rouge, le capitaine de l’équipe perdante suit le jeune garçon ; sur son dos on peut lire “LYDMAN“.

On parle alors de Ville. Joueur habile, qui porte également de moches lunettes rondes. Toni Lydman, co-équipier à Calgary et en équipe nationale, parle.

“J’avais vu sur la patinoire extérieure qu’il était plutôt doué“. Ville a appris à patiner avant de savoir marcher. Papa-Eetu était probablement passé par là.

Apprendre des joueurs plus âgés

Très tôt Nieminen devint doué en hockey. Il passa la majorité de son enfance à la patinoire Hakametsä, donnant un coup de main au responsable du matériel, toujours dans les jambes des joueurs de l’équipe première, dès qu’il avait un peu de temps de libre.

“A ce moment, Ville avait déjà une connaissance exceptionnelle du hockey“, dit Jarmo Männistö, épaté.

Rauno Korpi en personne avait demandé à l’école de Ville le 15.11.1990 “un créneau libre entre 14h et 15h, où il pourrait assister le responsable du matériel de Tappara, lors du match JYP – Tappara à Jyväskylä“.

Peut-être qu’à cette époque-là, Eetu était en vadrouille.

“Pendant cinq mois il avait les idées claires, puis il était ivre un mois complet. On disait toujours dans ces cas-là qu’il était aux Bahamas.“

Il ne s’agissait pas vraiment de vacances à la plage.

Les experts en hockey allaient chercher le buveur au saloon et le ramenaient tour à tour chez lui ou à l’hôpital.

“Tu n’as qu’à essayer de voir ce que ça fait d’être bourré pendant un mois complet. C’est vraiment dur. Ils essayèrent de prendre Eetu avec eux et de l’éloigner de l’alcool. On ne pourrait jamais remercier assez ce que ces gens ont fait pour lui.“

Nieminen dit qu’il ne pouvait plus supporter son père lorsque la bouteille était ouverte. Eetu n’était pas agressif, mais comme Liisa dit, “on a tendance à embellir les choses avec le temps“.

“Ca se voyait tout de suite chez Ville quand Eetu était aux Bahamas“, se souvient Männistö en parlant de son petit assistant.

“Ville a certainement souffert à un certain niveau de sa relation avec son père, mais comme pour les autres qui ont vu leur père mourir à cause de l’alcool, il ne montra pas sa rancœur“, se souvient Korpi.

La patinoire était certainement pour Ville une sorte d’abri.

Tout grâce à l ‘équipe.

18.9.97: Echauffement du match Colorado-St. Louis. Résultat final: 5-5.

Le coach m’a convoqué dans son bureau. Il m’a dit : “On est contents de toi, satisfaits de ce que tu fais. Tu es une bonne acquisition et tout le monde t’adore parce que tu es une personne joyeuse et positive, mais on doit te renvoyer en équipe ferme pour que tu apprennes encore plus“. J’en ai eu les larmes aux yeux et mes rêves se sont envolés. Je savais qu’il y aurait des déceptions et que ça me donnerait encore plus la rage de me battre. J’en ai encore pour trois ans.

Nieminen rejoignit l’équipe du Colorado vainqueur de la Coupe Stanley au printemps 2001. Il trouva une place sur la ligne de Peter Forsberg et Chris Drury. L’année suivante, tout semblait parfait mais au final, tout finit mal. Nieminen fut échangé à Pittsburgh, “comme si j’étais échangé de Tampere à Pori“, comme il dit à cette époque.

Les jours à Pittsburgh étaient déprimants. Mauvaise organisation, défaites après défaites.

“Ma vie était totalement axée sur le succès de l’équipe. Obtenir les deux points de la victoire, c’était comme si j’avais marqué un but.“

A Chicago, tout aurait dû changer. Ce ne fut pas le cas. Pas assez de temps de jeu, mauvaise organisation. Nieminen commença à avoir des doutes.

“Pour la première fois, Ville commença à dire que c’était peut-être à cause de lui, à cause de son jeu, savait-il encore prendre du plaisir en jouant ?“, se souvient Kaisa.

Nieminen commença à s’éloigner du monde du hockey. En même temps, il commença à perdre son sens de l’humour. A la maison, un joueur démotivé fit son apparition. On n’aurait pas pu croire qu’il s’agissait du même homme qui enseignait à son fils Viljami, âgé de 2 ans et demi, comment prendre congé d’un invité :

“On se rappelle, on se voit bientôt, vas-y, tape m’en cinq !“, Viljami congédie ses invités.

Puis vint le transfert vers Calgary, où Nieminen étincela encore.

Hershey, 22.9.1997:

Et encore une fois, une leçon: sur la glace, le jeu est dur, je suis resté sur le côté de la glace et celle-ci était mauvaise, mais qui fait attention à cela ? Ici, rien n’est jamais gratuit. Ici, ça ne sert à rien de faire ses excuses. Prendre chaque jour, l’un après l’autre. On n’obtient jamais rien si on ne tente rien.

Cette semaine démarre le camp d’entraînement des Hershey Bears. La saison commence début octobre. Dans la tête, tout va bien. La copine vient cette semaine. Enfin je sors de l’hôtel pour vivre une vie normale. Parfois aussi, ça aurait été bien d’apprendre un peu à parler anglais. Les connaissances en anglais se sont bien développées ce mois-ci ; il le fallait bien. Je deviens de plus en plus intelligent, jour après jour… Ca me fait bizarre.

Une grande photo

Un peu plus de 24 heures avant la Coupe du Monde. Nieminen apprend qu’il ne jouerait pas lors du match d’ouverture.

“Cela ne sert à rien de stresser si je ne suis pas sélectionné ; aujourd’hui Viljami monte sur des patins pour la première fois“. Nieminen envoie une GRANDE PHOTO de Viljami par SMS.

Happy people have no story?

En italique, le parcours de Ville Nieminen d’après son journal de bord, de son départ de Tampere jusqu’à son installation en Amérique du Nord.